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Marie et Ismaël

Fada N’Gourma.  Aube du 1er décembre 2016.

Du sable.  Salutations faites Ismaël me demande de le suivre à vélo à travers les rues de Fada.  Des pistes, en réalité, qui ont plusieurs fois tenté d’ensabler mon deux-roues.  Un quart d’heure plus tard, au bout du chemin, je ne vois qu’une charpente nue levée vers le ciel, semblable au toit inachevé d’une église sans clocher.  Peut-être l’atelier.  Le soleil approche.

Des pneus en roue libre.  Ismaël disparaît derrière un tas de troncs et une remorque sur le flanc, derrière laquelle quelques tôles semblent dessiner un mur d’enceinte.  J’entends le bourdonnement étouffé d’une machine.  Il surgit soudainement de l’ombre, déjà précieuse, et m’invite à le suivre vers l’entrée.  C’est l’atelier et le soleil frappe à la porte.

Un domino géant.  Je me faufile à l’intérieur.  Entre les murs de métal brûlant, le bois, les outils et les travailleurs se disputent un espace occupé.  Des piles de planches tourmentées esquissent des lignes bigarrées.  Une odeur de bois poncé envahit l’air ardent.  Le hasard semble avoir disposé ici ou là des machines d’âge respectable, habillées d’un vert au pastel suranné.  Quelques embrasures jettent des obliques de lumière sur la poussière qui s’arrache à la terre battue.  J’échange quelques sourires avec l’équipe.  Tout est bois et le soleil décolle.

Comme une ruche.  J’en fais trois fois le tour, essaie d’en saisir les moindres recoins.  A droite, la matière première.  L’acajou, avec son grain fin et régulier, et cette teinte rubanée variant du rose au rouge foncé.  Et puis l’ébène, son voisin strié de gris sombre à noir.  Dans le fond, les produits finis exhibent leurs veines délicates.  Face aux machines rutilantes, la concentration habite des visages qui perlent et se ferment tandis que les mains dialoguent avec précision et régularité.  La lumière s’épaissit et le soleil s’enflamme. ➔

​L’or des abeilles.  Les heures s'enchaînent, la chaleur est écrasante, les sourires se font rares.  Je remballe l’appareil photo.  Pause thé.  Ismaël m’appelle et, arborant son plus beau sourire, ouvre délicatement une armoire.  Elle abrite un imposant nid d’abeilles, posé sur un pot de cire abandonné.  La régularité des alvéoles hexagonales offre un saisissant contraste.  Un doux parfum, mélange de miel, cire et propolis, défie celui du bois coupé.  Imperturbables, les abeilles vont et viennent, ventilent et vaquent à leurs occupations.  L’étoile atteint le zénith.

De retour sur mon vélo, je pédale contre la torpeur.  Je repense à l’atelier, à ses artisans et ses habitantes.  De leur grand nid je fais une petite ruche.  C’en est peut-être la plus belle métaphore ! ■

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